Au Liban, maintenir le navire à flots

Soeur Elisabeth témoigne de son quotidien au centre hospitalier de Bhannes
Thursday 30 March 2023 00:00
Soeur Elisabeth Noirot
Actualités

Chers amis,

Voici bien longtemps que je ne vous ai donné de nouvelles de cette petite barque agitée par les flots en furie de la crise libanaise qu’est notre centre hospitalier de Bhannes !
Depuis l’an passé la situation n’a fait que s’aggraver sur tous les plans. Le pays va à la dérive sans personne pour tenir la barre !

Alors, à notre petite mesure nous essayons de pallier à cette absence mortifère en luttant contre et vents et marées pour continuer à offrir une bonne qualité d’accueil et de soins à toutes les personnes qui accostent à notre centre.
Tout au long de cette année la dévaluation de la monnaie libanaise n’a fait que se multiplier et aujourd’hui nous sommes à 87000 LL pour un dollar alors qu’il y a un an elle était encore à 20 000 LL pour un dollar, et chaque jour elle dégringole! Bien sûr les prix de toutes les matières courantes ont grimpé en flèche et sont revus à la hausse à chaque augmentation du dollar ! Tout est devenu hors de prix : pain, eau ; électricité, essence, tous les produits alimentaires de base, les couches et le lait maternisé sont hors d’accès pour bien des familles etc, etc...

Les soins de santé sont devenus inabordables pour 85% de la population car les assurances de santé demandent à être réglées en dollars alors que les gens n’en n’ont pas, touchant encore pour la plupart leur salaire en livres libanaises. La plupart des produits pharmaceutiques et paramédicaux sont importés, donc, lorsqu’on les trouve, ils sont hors de prix ! De plus, la corruption touche toutes les classes de population, les produits et les différents denrées alimentaires, ainsi que le carburant, sont mis de côté pour faire monter les prix...
Même les banques prennent la population en otage en se mettant en grève illimitée !
La qualité de vie dégringole à toute allure et, en conséquence, l’hémorragie de la jeunesse et des personnes qualifiées s’intensifie, chacun espérant trouver ailleurs la possibilité de construire un avenir !
C’est au milieu de ces circonstances rocambolesques que nous essayons de tenir bon mais nous sommes touchées de plein fouet par cette crise et surtout par le départ massif de nos personnels qualifiés vers d’autres horizons.
Comme nous sommes le seul hôpital dans cette région montagneuse nous avons beaucoup de patients mais malheureusement je ne peux les accueillir tous car je manque de personnel et j’ai dû fermer 2 services et diminuer le roulement de 3 autres !

Comme nous sommes excentrés il faut de l’essence pour venir jusqu’ici et notre personnel vient souvent de loin. C’est une difficulté supplémentaire pour recruter même si nous leur réglons la différence kilométrique par rapport au prix officiel de déplacement.
Malgré tout et avec le soutien de tant d’entre vous et une immense confiance en la Providence, nous arrivons à garder le cap et à regarder vers demain ! Ainsi, nous remettons en valeur une grande partie des terrains cultivables afin de pouvoir profiter de légumes et de fruits bio et frais directement du jardin au consommateur !

J’ai pu relancer le poulailler et notre centaine de poules commencent à nous donner de bons œufs frais. Les vaches quant à elles croissent bien et se multiplient ce qui me permet une plus grande production de lait et de ses produits dérivés pour tous nos patients, notre personnel et les gens du village qui viennent acheter chez nous car c’est moins cher et plus frais que dans les supermarchés ! Nous avons pu, grâce au formidable soutien de notre Compagnie, installer l’énergie photovoltaïque qui nous permet une conséquente économie de fuel que je peux reverser dans les salaires du personnel !

Nous avons également commencé, à restaurer une de nos maisons pour loger notre personnel qui vient de loin. En effet, hors de l’enceinte même du centre, nous avons 5 corps de bâtiments qui datent des débuts du sanatorium donc il y a plus de cent ans, dans lesquels sont logés des familles dont au moins un membre travaille chez nous. Il y a encore plusieurs appartements à rénover afin qu’ils soient vraiment habitables. Je compte encore sur la Providence pour le faire.
Nous avons pu aussi grâce à quelques dons, remplacer deux de nos générateurs qui rendaient l’âme !
Ici nous devons les utiliser 23h sur 24h car nous ne recevons l’électricité publique qu’une heure par 24h !!! Donc nous avons besoin de plusieurs générateurs pour alimenter les différents bâtiments.

Chaque mois j’essaie également grâce au soutien cette année de la mission pontificale, d’améliorer le salaire et les conditions de vie et de travail de tout le personnel. Mais la vie augmente à une telle allure que nous ne pouvons suivre pour combler le décalage réel !
Bien entendu pour maintenir dans le cœur de tous cette Espérance dont nous avons tant besoin nous avons redynamisé la dimension spirituelle de notre vie, de notre mission et de notre raison d’être. Régulièrement des animations spirituelles d’ordre divers ont lieu soit pour le personnel, soit pour les malades et particulièrement durant les temps forts de l’année ! Après tout c’est bien LUI, Notre Seigneur, la source de notre vie, de notre énergie et de notre engagement ! Et heureusement qu’Il est là même si parfois nous avons l’impression qu’Il dort comme dans la barque des apôtres sur le lac de Galilée !

Mon but et mon espoir est de pouvoir continuer à tenir ce navire à flots afin que toutes les personnes qui y puisent leur source de revenus puissent continuer à vivre décemment et pour que les malades de la région ne soient pas obligés de faire une heure de route pour aller se faire hospitaliser !
Pour cela nous essayons de mettre toutes nos capacités et notre potentiel en action mais je ne peux le faire qu’en comptant sur vous !
Merci pour la patience que vous avez montré pour me lire jusqu’au bout ! Que Dieu vous garde et vous bénisse !

Soeur Elisabeth Noirot Fdlc

(Pour soutenir l'hopital de soeur Elisabeth rdv sur son projet en cours de financement.)